Un bébé a besoin d’être nourri autant de paroles que de nourriture. Il a besoin de la voix de l’adulte pour entrer lui-même dans le langage et construire sa propre voix. Véritable support d’apprentissages, le livre est aussi un vecteur de découvertes, de jeu et de partage.
En lisant des livres aux enfants, on instruit à la fois l’esprit et le cœur. Les histoires lues aux tout-petits nourrissent leur imaginaire, développent leur créativité et structurent leur manière de penser.
Lire pour jouer
A l’âge où tout contact physique s’apparente à une expérience sensorielle, le livre sollicite à la fois l’odorat (odeur du papier et de l’encre), la vue (forme du livre, couleurs des illustrations...), le toucher (papier, reliefs, reliure, format.. .) et le goût chez les tout-petits… qui dévorent littéralement les livres ! Le livre devient alors un véritable objet d’exploration et d’amusement. Comme lorsqu’il joue, l’enfant découvre dans les livres, des situations qui le touchent ou provoquent chez lui des émotions variées et quelquefois intenses (peur, joie, surprise, tristesse…). Il joue avec les personnages, avec lui-même, s’identifie et imite dans ses propres jeux les situations entendues.
L’enfant demande souvent à ses parents ou aux professionnels de la crèche de lire la même histoire. Bien souvent, les adultes se lassent plus rapidement que lui ! En effet, à force d'écouter le même texte, accroché aux mêmes images, l'enfant va devenir capable d'anticiper l'image, le mot ou la séquence qu'il aime … avant même de tourner la page. Naît alors pour lui, le sentiment nouveau d'avoir un pouvoir sur l'objet livre : il sait à l’avance et s’en réjouit !
Marie Bonnafé, psychiatre
Pour grandir, un bébé a besoin de lait, de caresses et d’histoires.
Lire pour comprendre, apprendre et raisonner
Lire des histoires à un enfant, c’est lui offrir un cadeau précieux : un savoir sur les relations, les lieux, les choses, les sentiments, l’environnement proche ou éloigné, familier ou étranger. La lecture permet la compréhension du monde (physique), des autres (relations) et de soi-même (émotions). Elle aide l’enfant à mettre des images et des mots sur les émotions et sentiments, sur ce qu’il vit seul ou avec les autres.
Dans ses premiers livres, le tout petit découvre des objets ou des situations faciles à identifier pour son âge. Par ce biais, il apprend progressivement à « faire des enchaînements ». L’enfant établit le lien entre ce qu’il voit et ce qui est lu. Il comprend que c’est le même personnage qui revient à chaque page et que c’est « l’histoire » qui donne un véritable sens aux images. Ce sont là ses premiers raisonnements. Ceux qui l’aideront plus tard à résoudre les problèmes mathématiques.
La lecture va aussi donner le goût des mots à l’enfant. L’enfant répète les onomatopées, les phrases ritournelles, les mots étranges ou nouveaux. En crèche, les professionnels lisent les histoires à voix haute et telle qu’elle est écrite. Ces dispositions permettent à l’enfant d’appréhender au mieux la langue écrite. La lecture enrichit le langage, le vocabulaire, les niveaux de langue, les jeux de mots, la syntaxe souvent bien différente de la langue orale ! Apprendre à un enfant à s’exprimer aussi bien par la parole que par l’écrit passe par le contact précoce avec les phrases complexes et bien construites que l’on rencontre dans les livres.
Lire, un plaisir partagé
Lire des histoires à un enfant, enfin, c’est partager moment privilégié, intime, en crèche comme à la maison. Lire ensemble crée une ambiance rassurante, l’enfant comprend qu’il compte, qu’il est aimé. La lecture devient un moment de proximité corporelle, de relation par la voix. L’adulte, professionnel ou parent, est entièrement disponible pour l’enfant qui souvent se blottit.
Quand on lit avec un tout-petit, le plaisir partagé doit être le seul but recherché. Lire, c’est donner corps à ce qui est écrit. Cela implique bien plus qu’énoncer ce qui est imprimé : à quel moment tourner les pages ? À quel moment moduler sa voix et faire ressortir les mots importants ? Comment ménager le suspense ? Autant de ravissements qui rendront les histoires bien plus vivantes ! Attentif, l’enfant interprète à sa manière les mots qu’il entend, il se perd dans l’image, s’enthousiasme. Il s’approprie ainsi corporellement le livre … avant même l’apprentissage de l’écriture et de la lecture.
D’histoire en histoire, le plaisir de lire de développe, s’affine et devient désir d’autres récits. C’est ce qui donnera plus tard l’envie à l’enfant de « dévorer » les livres.